Le week-end dernier (12 et 13 avril) se tenait à Rovinj, en Croatie, la deuxième course de la saison 2014 des Red Bull Air Race (RBAR). Et si l’on ne devait faire qu’une seule réflexion, ça serait : Wow ! Quelle course !
Cependant, vous pensez bien que le Portail ne publierait pas un article si l’on ne se cantonnait qu’à ces quelques mots. Prêt pour un débriefing de course ?
Alors… Smoke on!
Article de Bastien Otelli
Celles et ceux qui ont suivi la course en direct sur le site Red Bull TV (RBTV) ont peut-être remarqué que, comparée à la retransmission d’Abu Dhabi, la réalisation était franchement meilleure. Davantage de caméras, plus d’onboard views, plus de statistiques – notamment un module présent au bas de l’écran qui indiquait en temps réel (et en permanence, svp) l’air-speed du concurrent. Mais puisqu’en France, on aime bien chipoter, on regrettera juste qu’aucune indication de facteur de charge n’ait été affichée. Espérons que RBTV palliera à ce manque, pour les prochaines courses. Egalement, toujours au niveau de la réalisation, on a grandement apprécié les caméras placées sur les casques des Air Gators, ces spécialistes chargés de remplacer les pylônes lorsqu’ils sont percutés par les avions. Et pour cette deuxième course, on peut dire qu’on les a vu très souvent ! Nous y reviendrons… largement !
Par rapport au samedi, la météo de dimanche était moins bonne avec, notamment, un vent plus fort qui soufflait de l’ouest. Des conditions particulièrement difficiles combinées au fait que les jours précédents, les pilotes s’étaient entraînés et qualifiés avec des repères climatiques différents. Ce n’est cependant pas nous, spectateurs, qui nous en serions plains d’autant que ces conditions atmosphériques sublimaient les saumons d’ailes en les parant parfois de très belles aigrettes, accentuant un peu plus la sensation de vitesse… On aime !
TOP 12 :
Heat 1 : Qualifié en 0:59:820 la veille, c’est Kirby Chamliss qui ouvre les festivités sur le célébrissime « smoke on » du directeur de course, Jim Dimatteo. Pour sa 9ème année de participation aux RBAR, le champion du monde 2004 et 2006, déroule son run en espérant établir un temps de référence et surtout, disqualifier son adversaire. Il est malheureusement le premier à accrocher la porte n°5. Chambliss est hors-course et on assiste à la première intervention des Air Gators pour remplacer le pylône…
Son adversaire, le Japonais Yoshihide Muroya, bien conscient de la disqualification de Chambliss, se lance à son tour, déroule très prudemment son run et se qualifie en 1:01:90.
Heat 2 : Après Chambliss, un autre vieux briscard, s’élance : le Hongrois Peter Besenyei, célèbre pilote de voltige et champion du monde RBAR 2003. Très honorablement qualifié la veille en 1:00:218, il voit également un pylône de près… très près, trop près même. C’est le droite de la porte n°10, juste derrière celle qui a coûté sa qualification à Chambliss. Le pylône se dégonfle tristement et Besenyei, disqualifié mais toujours sympathique, garde le sourire. Au moins, le zodiac des Air Gators n’a pas eu le temps d’aller bien loin et, une fois de plus, les spectateurs saluent l’incroyable efficacité de ces hommes.
La course reprend après quelques petites minutes d’interruption.
C’est désormais au tour de Nigel Lamb de s’élancer à bord de son MXS-R muni de très impressionnants sharklets. Du fait de la disqualification de Chambliss, le Britannique n’a qu’à effectuer un run sans accrocher la moindre porte. Il y arrive aisément et se qualifie pour la manche « Super 8 » en 1:00:61.
Heat 3 : Toujours rapide, l’Australien Matt Hall sur MXS-R, se qualifie en 00:59:42 devant le malheureux Matthias Dolderer qui est disqualifié en percutant le pylône de la porte n°5, comme Chambliss ! Cette fois, après avoir réparé pour la troisième fois, les Air Gator se disent qu’il est peut-être préférable de rester dans cette zone, décidément maudite… Et ils vont avoir raison !
Heat 4 : Notre Français, Nicolas Ivanoff, « le Corse Rapide », s’élance à bord de son Edge 540 V2. Ayant bien noté la difficulté des conditions, il effectue un run plutôt sage et franchit la ligne d’arrivée avec un temps de 01:01:31.
Derrière lui, le Canadien Pete McLeod au pilotage viril mais néanmoins précis se lance à l’assaut du Corse. Son Edge 540 V3 rouge, qualifié en 0:58:152 la veille, fend l’air et dès le deuxième temps partiel, devance Ivanoff de 53 dixièmes. Le Canadien va vite… peut-être trop pour les conditions météorologiques de ce dimanche… En effet, la porte n°10, celle qui a disqualifié Benseyei, se rappelle à son bon souvenir : « Pylon hit » pour lui aussi ! Il est éliminé et Ivanoff accède au « Super 8 ». Encore un pylône dégonflé et des Air Gators qui ne rechignent pas à la tâche…
Heat 5 : Chronométré à 390 km/h, au passage de la ligne, l’américain Michael Goulian a à peine le temps de passer la première chicane qu’il est disqualifié à cause d’une vitesse d’entrée excessive dans le track. La caméra embarquée de son Edge 540 V2 le montre particulièrement contrarié… Il n’a pas l’air d’accord.
Derrière lui et sur le même type d’appareil, l’anglais Paul Bonhomme, leader du championnat puisque vainqueur de la première course de la saison à Abu Dhabi, effectue un run en 0:59:49. Pour le moment, c’est le meilleur temps du jour.
Heat 6 : Bien que rapide, Martin Sonka pour sa deuxième année de participation aux RBAR, est le moins expérimenté de tous. Et ça se remarque parfois dans ses trajectoires. Le pilote Tchèque se fait malmener par les rafales de vent. Parfois, son Edge 540 V3 prend trop d’incidence ce qui, irrémédiablement, casse sa vitesse. L’erreur est commise lors du second passage à la chicane, à quelques centaines de mètres de la ligne d’arrivée. Il la franchit trop haut et la sanction tombe, impitoyable : +2 secondes de pénalité.
Derrière lui, l’Autrichien Hannes Arch, champion du monde 2008 et principal rival de Paul Bonhomme, effectue un run avec beaucoup de prudence se payant même le luxe de rendre quelques secondes à Sonka au premier intermédiaire. Il assure finalement la qualification de son Edge 540 V3 en 1:00:592.
Alors que la manche « Super 8 » est sur le point de débuter, Michael Goulian est rappelé pour effectuer un nouveau run… En effet, suite à une réclamation, les officiels ont admis que la vitesse du pilote Américain avait été mal estimée. Hélas, probablement déconcentré suite à cet incident, Goulian accroche le pylône de la porte n°5 (encore lui !) et est définitivement hors-course. Nouvelle intervention des Air Gators sur cette porte…
Egalement durant l’inter-manches, Nigel Lamb est victime d’un fait de course rarissime et très surprenant : au sol, à l’arrêt et moteur tournant, alors qu’il a un souci de communications, la queue de son MXS-R se lève violemment. Son hélice est détruite en raclant le tarmac et des éclats de vibre de verre son projetés dans les airs. Personne n’est blessé mais Lamb, proprement dépité, ne pourra pas prendre le départ. Ce genre d’incident survient généralement si, au moment des essais moteur, le pilote maintient le manche en secteur avant. Cependant, une telle erreur est quasiment impossible à imaginer de la part d’un pilote aussi expérimenté que Lamb et pour l’heure, les raisons exactes de ce fait de course demeurent incertaines…
***
SUPER 8 :
On a assisté à une véritable hécatombe dans la première manche, et, avec l’abandon de Nigel Lamb, il ne reste pas suffisamment de pilotes pour disputer le « Super 8 » qui, comme son nom l’indique nécessite 8 pilotes… Situation peu banale, et malgré le fait qu’il ait accroché une porte lors du Top 12, c’est Pete McLeod, grâce à son temps de qualification du samedi, qui est repêché.
Ainsi, participent au Super 8 (ordre aléatoire) :
– Yoshihide Muroya,
– Nigel Lamb,
– Matt Hall,
– Nicolas Ivanoff,
– Paul Bonhomme,
– Hannes Arch,
– Martin Sonka,
– Pete Mc Leod.
Martin Sonka s’élance. Dans la chicane, il a du mal à maintenir une altitude régulière. Et il part à la faute lors du franchissement de la deuxième partie : un peu trop de hauteur et 2 secondes de pénalité. Il en termine avec son run mais paraît déçu…
Derrière lui, Nicolas Ivanoff effectue un run sans pénalité en 1:01:671 avec toutefois une petite suée sur la porte N°5 (encore elle), puisqu’il la franchit à la limite d’altitude maximum.
Matt Hall enchaîne avec un pilotage très sec et précis. Il gère superbement bien son altitude dans la chicane et, au premier partiel, est en avance de 24 dixièmes sur Ivanoff. Malheureusement pour lui, il décapite (littéralement) de son aile gauche, un pylône. Devinez lequel… Oui, vous avez trouvé, celui de la porte N°5 ! Il est disqualifié et Ivanoff effectue un pas de plus vers la « Final 4 ».
Le Japonais Yoshihide Muroya décolle le katana entre les dents et, avec un pilotage digne d’un samouraï devance Ivanoff de 37 dixièmes dès le premier intermédiaire ! Violentes corrections, pilotage viril, le Nippon ne ménage pas sa machine, et contre toute attente, ça paye : il en termine avec 1 seconde et 36 dixièmes d’avance sur le temps du « Corse Rapide ».
Lorsqu’il passe la starting gate, le Canadien Pete McLeod semble avoir retenu la leçon de son erreur lors du « Top 12 » qui manqua de le disqualifier. Cette fois, il semble bien plus doux sur les commandes. Sa stratégie est récompensée au passage de la ligne d’arrivée puisqu’il devance Muroya de 12 centièmes.
Monsieur Paul Bonhomme s’élance : style vif mais néanmoins très « coulé », reconnaissable entre mille. Il termine largement devant Mc Leod avec pratiquement 1 seconde d’avance.
Son rival direct, Hannes Arch, décolle. A cet instant, Nicolas Ivanoff est encore qualifié pour la « Final 4 », mais l’Autrichien est un gros client et dès son entrée sur le track, Arch affiche une vitesse quasi-parfaite : 198 nœuds. Dès le premier partiel, il devance Bonhomme de 24 centièmes. Ces conditions météorologiques semblent convenir à l’Autrichien. Et bien qu’il rende un peu de temps aux deuxièmes et troisièmes partiels, il franchit finalement la ligne d’arrivée en tête, 11 centièmes devant Bonhomme, malgré un passage un peu juste à la porte n°9.
Nicolas Ivanoff est sorti, au pied de la « Final 4 »… mais on suivra la course jusqu’au bout !
FINAL 4 :
Sont ainsi qualifiés pour la finale 4 :
1 – Hannes Arch en 0:59:081
2 – Paul Bonhomme en 0:59:191
3 – Pete McLeod en 1:00:174
4 – Yoshihide Muroya en 1:00:303
Yoshihide Muroya retourne au combat, toujours soutenu par des fans « très Nippons »… entendez par là, excentriques, très sympathiques, drôles et fair-play. Le japonais qui n’a jamais connu de podium joue son va-tout. Il entre dans le track avec une vitesse de 197 nœuds. Il vole proprement et en termine en 1:00:13. C’est un bon temps, il peut espérer un podium.
Le repêché du jour, Pete McLeod, a également décidé de tout donner dans ce dernier run. Chassez le naturel, il revient au galop : son pilotage agressif manque de lui coûter cher lorsqu’il voit une porte passer très près de son saumon d’aile droit. Et alors qu’il est en avance d’1 dixième sur Muroya, un passage un peu trop haut sur la porte n°4 lui coûte 2 secondes de pénalité. Il en termine avec un temps de 0:59:723, à quoi s’ajoutent les deux secondes supplémentaires qui le placent à +1:59 du Japonais, désormais assuré de son premier podium. L’euphorie s’empare du clan Nippon…
Paul Bonhomme veut remporter la course et creuser son avance au championnat sur Hannes Arch. Il entre avec 198 nœuds au badin et déploie toute la subtilité de son pilotage. Au deuxième partiel, son « smooth style » le place largement en tête, 63 centièmes d’avance sur Muroya. Le Britannique franchit la ligne en 00:59:097, soit presque aussi vite que Arch, dans la manche précédente.
Hannes Arch le sait : il n’a pas droit à l’erreur et il est hors de question de laisser son rival « s’envoler » dans le classement du championnat. Il doit donner un maximum tout en gérant le risque. Son badin frôle les 200 nœuds (la limite autorisée) lorsqu’il débute son run. Un style agressif conjugué à beaucoup de douceur sur les commandes et très peu de perte d’altitude dans les chicanes. C’est une leçon de pilotage ! Pourtant, dans les deux premiers partiels, il est derrière Bonhomme et accuse respectivement +0.02 et +0.23 de retard sur son rival. Mais c’est sans compter sur la détermination sans faille de l’Autrichien. Il négocie parfaitement le dernier virage droite à gros facteur de charge et franchit plein pot la seconde chicane, toujours avec le même souci de perfection. Il passe finalement la ligne d’arrivée avec une avance étonnante de 85 centièmes. Hannes Arch remporte ainsi la course de Rovinj avec le meilleur temps de la journée : 0:59:012.
EPILOGUE :
A l’issue de cette deuxième course de la saison, avec 21 points chacun, Hannes Arch et Paul Bonhomme sont à égalité de points au championnat. Leur rivalité et le suspense monte doucement en pression et ce n’est pas pour nous déplaire.
Nicolas Ivanoff, quant à lui, termine 5ème de cette deuxième course, ce qui le place 6ème au championnat, à égalité avec Sonka et Lamb.
Mais le véritable héro du jour est sans aucune contestation Yoshihide Muroya qui monte pour la première fois sur un podium des RBAR, pour le plus grand bonheur des supporters Nippons, fous de joie, brandissant banderoles, éventails frappés du drapeau japonais et coiffes originales… Ceux-là remportent la victoire du meilleur public et personne ne voudrait la leur enlever !
Autres personnes qu’il convient de saluer : les Air Gators qui n’ont jamais autant mérité leurs salaires et dont on a pu admirer la rapidité, l’efficacité, bref, l’excellence. Un immense bravo à eux !
Enfin, et après deux courses, on peut affirmer sans rougir que ce championnat 2014 s’annonce passionnant ! Rendez-vous est pris les 17 et 18 mai prochains, pour l’étape qui se déroulera à la verticale du lac de Putrajaya, en Malaisie.
« Smoke off… »