Rien ne va plus en Suisse concernant l’achat de nouveaux avions de combat.
Depuis le 30 décembre 2011, date à laquelle le gouvernement Suisse avait annoncé son choix en faveur de l’avion, suédois, la campagne d’achat ne cesse de subir les foudres de ses opposants. Après la tempête politico-médiatique suscitée par le choix en lui-même ; l’avion n’atteignant pas les minimas requis exigés par l’armée suisse, ce qui a été confirmé par le rapport confidentiel d’Armasuisse (lire ici), les opposants viennent de remporter une bataille importante.
En déposant plus de 100 000 signatures, soit le double requis pour qu’un sujet soit l’objet d’un référendum, les « anti-avions » amèneront le sujet démocratiquement, le peuple devant prendre la décision finale le 18 mai 2014.
Etant situé de l’autre côté de la frontière, et étant donc complètement impartial, il est amusant d’analyser et d’observer les débats d’opinions, mais aussi les mensonges et les manipulations employés par certains.
Les partisans anti-Gripen, bien que coalisés, n’ont pas forcément la même vision. Si certains sont antimilitaristes et donc anti-avion, quel qu’il soit, d’autres se servent de l’argument des faibles performances de l’avion par rapport à ses compétiteurs (Rafale et Eurofighter), mais sans pour autant favoriser l’achat d’un appareil autre que le Gripen.
Ils opposent à l’acquisition d’un successeur au F-5 plusieurs arguments. Premièrement, la Suisse peut assurer la sécurité de son territoire via la mission de police aérienne seulement avec ses F/A-18 Hornet. C’est en partie Vrai. Mais avec un peu plus de 30 chasseurs, il n’y a pas de gras. Avec un taux normal d’attrition, en comptant la disponibilité des avions en ligne, ceux en maintenance puis ceux dédiés aux missions d’entrainement, les troupes aériennes n’auront aucune marge de manœuvre.
Lorsque les hornet suisses arriveront en fin de potentiel, il faudra de toute façon tôt ou tard les remplacer. Et si l’acquisition n’est pas menée en amont, il faudra alors tous les acquérir en même temps. Le budget à allouer sera alors bien plus important.
Autre argument, les milliards de francs investis pourraient être utiles ailleurs ; dans des programmes sociaux, d’investissements publiques, technologiques ou autres. Entendu dans la bouche de beaucoup d’hommes politiques ou industriels soutenant le Referendum, cet argument n’a aucune valeur et pourrait même être considéré comme un mensonge. Les 300 millions de francs alloués à cette acquisition chaque année sont ponctionnés sur les budgets existants de l’armée ! Si donc l’achat ne se fait pas, l’argent alloué à ce programme le sera pour un autre, mais restera au sein de l’armée. Tout autre argument n’est qu’illusion ou manipulation démagogique.
Certaines paroles du parti des verts valent le détour, sur une page consacrée aux arguments anti-Gripen :
Luc Recordon, Conseiller aux Etats VD
«Acheter un avion de combat, c’est préparer la guerre de hier, pas celle de demain. Les menaces ont radicalement changé, c’est à elles qu’il faut se préparer.»
Je me risque à une déclaration d’ordre politique, fruit d’une réflexion personnelle, qui fera sans doute polémique. Chez eux comme chez nous, les partis verts, bien que proches des couleurs du treillis font preuve d’une incompétence invraisemblable en matière de politique de défense. Alors que bien des arguments valables sont opposable à certaines situations, ces personnes-là arrivent toujours à s’illustrer part des propos qui, au mieux, les ridiculisent.
Dernier argument avancé, l’avion de papier que la Suisse s’est juré de ne plus acheter après l’affaire Mirage. Seulement, le contexte est complètement différent. Dans les années 60, bien que Dassault ai vendu à plusieurs pays des centaines de ce petit chasseur plus performant et moins cher que les productions américaines (la belle époque !), la Suisse décida d’acquérir et de construire l’avion sous licence, mais en y ajoutant une électronique d’origine américaine, modifiant sa structure et son train d’atterrissage pour adapter l’avion aux besoins du pays. Le contexte est ici largement différent. La Suisse ne va pas payer pour le développement d’un avion qui lui est propre. Car le Gripen E sera en service dans son propre pays en Suède, mais certainement également, au Brésil. Bien qu’une version définitive du Gripen E ne soit pas encore en état de voler, la majorité de ses composants électroniques volent déjà dans un démonstrateur. C’est l’intégration de cette électronique qui présente aujourd’hui le plus grand risque en terme de développement, mais si glissement il y a, les surcoûts ne seront pas assumés par la Suisse.
Une dernière polémique couve entre les pros et anti-Gripen, née du Lobying supposé de Saab auprès de la population, comme le démontre cet exemple. Certains avançant que la déontologie voudrait qu’un groupe d’armement étranger n’interfère pas dans les affaires démocratiques internes d’un pays. Mais à lire les arguments des anti-Gripen, je ne vois pas en quoi le fait qu’une entreprise affiche publiquement ses arguments et son droit de réponse dans un débat démocratique pose problème. (Vous pouvez tout à fait réagir là-dessus en posant vos arguments dans les commentaires, certains pouvant au contraire se sentir froissés de l’attitude de Saab)
Prochain épisode de cette histoire à rebondissement dans un peu moins de quatre mois. Rendez-vous donc le 19 mai !