Du 24 août au 5 septembre 2014, onze Rafale et plus de 200 personnels ont été déployés dans un important exercice en Norvège. Nommée Arctic Thunder, cette campagne de tir Air-sol est une première pour le Rafale. Nous avons pu interviewer le Lieutenant-Colonel Tricot, Chef du bureau Doctrine-Retex du CENTAC AIR, et pour l’occasion, directeur de cet exercice, que nous tenons à vivement remercier.
(l’ensemble des photos publiées sur cet article sont la propriété de l’armée de l’air, les droits sont réservés)
Bonjour mon Colonel. C’est la première fois qu’autant de Rafale sont déployés pour un exercice. Est-ce quelque chose d’exceptionnel ?
Le déploiement d’autant de Rafale n’a rien d’exceptionnel pour une campagne de tir air-sol. Ce qui est exceptionnel, c’est que depuis son arrivée dans les forces, les nombreux déploiements et l’activité soutenue en Opex (opération extérieure) n’ont justement pas permis de l’organiser. Pour l’entrainement des forces, un tel déploiement serait nécessaire tous les 12 à 24 mois . Des exercices existent bien en France, mais pas de cette ampleur.
Pourquoi la Norvège ?
Nous devons nous entraîner à tirer des munitions à grande distance. Les champs de tir français possèdent des limitations pour tirer, en toute sécurité, des bombes dans des conditions extrêmes. C’est pourquoi, dès 2012, des équipes de l’armée de l’air sont parties prospecter dans différents pays afin de trouver un terrain d’entrainement conforme à nos attentes. Au-delà des questions de sécurité le plus gros gain est à trouver du côté de l’entrainement des pilotes. Ils doivent s’adapter à un nouvel environnement, un contexte géographique nouveau, où les procédures aéronautiques sont différentes. Même les cibles, offrant des signatures infrarouges propres, sont différentes que celles sur lesquelles nous avons l’habitude de travailler. En métropole, l’armée de l’air dispose bien de terrains adaptés pour son entrainement régulier, mais il est nécessaire de développer l’adaptabilité des équipages en les mettant dans des situations nouvelles.
À qui a profité cet exercice ?
Premièrement aux personnels navigants, mais pas seulement. L’ensemble de la chaîne technique et logistique a été activé, du transport de matériels, au déploiement du système d’information par les personnels techniques de l’armée de l’air. La communauté des pétafs (mécaniciens armuriers dans le jargon) a particulièrement mis à profit ces deux semaines pour que les plus expérimentés puissent passer le flambeau à la nouvelle génération. Ce n’est pas tous les jours que ces techniciens ont la possibilité de manipuler autant de munitions bonnes de guerre, avec les procédures rigoureuses à appliquer que cela impose.
Des experts de l’armée de l’air ont également pu profiter du tir de ces munitions pour analyser les impacts des AASM sur leurs cibles pour, éventuellement, proposer différentes méthodologies d’attaque en fonction de la mission et de l’effet recherché. Ils peuvent travailler en direct et sont donc beaucoup plus efficaces, chose qu’il était difficile d’obtenir en opération réelle.
Les navigants, enfin, sont les premiers concernés par l’exercice. Une quarantaine de pilotes du 1/7 Provence, du 1/91 Gascogne et du 2/30 Normandie-Niemen ont pu s’entraîner dans des conditions avantageuses, et ont notamment tiré la nouvelle AASM à guidage terminal laser.
Concernant l’escadron 1/91 qui appartient aux Forces aériennes stratégiques (FAS), ils sont venus avec des équipages comprenant un pilote et un NOSA (Navigateurs Officiers Système d’Arme), ce qui porte le total de navigants à 50, qui ont tous profité d’une semaine complète d’entrainement, où chaque équipage aura tiré une munition bonne de guerre. Ce tir n’est pas un aboutissement en soi, mais permet au pilote de se décharger d’un stress potentiel en cas d’opération réelle.
Les pilotes auront donc été qualifiés sur le nouveau AASM Laser ?
Il existe une différence importante avec des munitions comme la GBU-12 qui est une bombe planante nécessitant une certaine technicité pour réaliser un tir. L’AASM est propulsé et dispose donc de son propre domaine de vol. Il n’y a donc pas de qualification particulière à obtenir. Les équipages sont déjà formés sur simulateur, et son emploi est réellement plus simple. Comme expliqué précédemment, le tir en exercice est surtout une expérience nécessaire pour tout pilote, qui connaîtra cette situation le jour où il devra en tirer une durant un conflit.
L’envoi d’une quantité importante d’avions, de personnels et de matériel n’est pas également une sorte de publicité des capacités de l’armée de l’air ?
L’armée de l’air a démontrée lors des opérations récentes qu’elle est une force réactive et opérationnelle en permanence. Pour détenir ces qualités, elle doit les entretenir très régulièrement. C’est ce que nous faisons en Norvège en exerçant notre savoir-faire dans le déploiement d’une force importante, équivalente au volume de force qui est intervenu dès les premiers jours d’Harmattan au-dessus de la Libye. Les vols ont débuté seulement une semaine après l’arrivée sur la base de la soixantaine de conteneurs, ce qui est déjà une belle performance en temps de paix. En tant de guerres, cela aurait été encore plus rapide. L’armée de l’air se doit de rester une force opérationnelle de premier plan, et cet exercice permet de s’y entraîner et de le démontrer.
Outre le gain financier, quels ont été les avantages de ce déploiement ?
En dehors de l’expérience acquise à tous les échelons, que nous avons déjà évoquée, la synergie principalement. Les équipages des trois escadrons opérant sur Rafale ont travaillé ensemble, provenant d’unités ayant différentes compétences, les échanges ont été fructueux. Les personnels navigants ont eux-mêmes proposé des pistes d’amélioration dans l’utilisation de certaines armes, ce qui permet à l’ensemble de l’armée de l’air d’augmenter son savoir-faire, et d’adapter ses compétences globales.
Comment le détachement français a-t-il été accueilli en Norvège ?
Très chaleureusement ! Les Norvégiens sont été très accueillants. Nous avons noué des contacts, et j’ai même rencontré le maire de la petite ville de Lakselv ! Les militaires Norvégiens ont fait plus que nous accueillir puisqu’ils ont également participé à nos opérations. Leurs officiers de tir locaux donnant les autorisations d’ouverture du feu ont travaillé des heures durant dans la verte, avec nos officiers français. L’armée norvégienne, bien que petite par sa taille, est très bien équipée et entraînée. Les procédures OTAN communes nous ont permis de bien fusionner nos méthodes de travail, et le contact en a été facilité.
3 Comments
syntaxerror9
Des pilotes norvégiens ont ils pu voler en place arrière?
Bruno ETCHENIC
Il me semble que non, je vais tenter d'avoir une réponse.
Bruno ETCHENIC
Il y a eu une présentation au sol, mais pas de vol en place arrière.